« Les producteurs produiront ce que les consommateurs achèteront », Thomas Lafouasse, Vice-Président du GAB IdF.
« Notre système alimentaire doit être transformé pour garantir l’accès de toute la population à une alimentation saine, respectant les conditions de vie des agriculteurs et les limites planétaires », écrivaient Matthieu Combaud et Marc Pascal au nom du Lierre, réseau de chercheurs et de hauts fonctionnaires, dans une Tribune du Monde (Nov.23). Les deux économistes plaçaient, comme le rapport de la Cour des Comptes de Juin 2022, l’agriculture bio au sommet des pratiques agroécologiques alliées de cette transformation nécessaire. « Pourtant, le bio connaît une crise majeure, qui entraîne une chute du revenu des agriculteurs et risque de faire reculer le secteur sous 10 % de la surface agricole, alors que le gouvernement a pour objectif 21 % en 2030. »
Un contexte de crise des céréales
Après plusieurs années de forte croissance, les marchés des grandes cultures bio ont ralenti en 2021, puis décru en 2022/23. La baisse de la demande, une focalisation sur le blé, culture refuge, rémunératrice, en Ile-de-France notamment et la surabondance non anticipée ont entrainé une chute des prix, au niveau des céréales conventionnelles. Parallèlement les charges explosent. Déclassement en conventionnel : Sur 2023/24, selon les prévisions de FranceAgrimer en décembre 2023, 123.000 tonnes de céréales produites en AB seraient déclassées en conventionnel, contre 30 503 tonnes pour 2022/23. Le stock de report de blé bio pour la campagne de 2023/24 est annoncé à 151 828 tonnes, en hausse de 8 % par rapport à la campagne passée et de 20 % par rapport à 2021/22. Sans la mise en place d'outils de régulation du marché, la tentation d’un retour au conventionnel ou d’un moindre engagement de surfaces en bio est une réalité.
Des objectifs politiques qui ne répondent pas aux besoins de la filière
18% de surfaces bio en 2027 ? Cet objectif de la France dans la PAC, correspond, pour les grandes cultures à 21% de surfaces en grandes cultures bio d’ici 2030, dans la SNBC. Ces objectifs ont été fixés sur la base du rythme de conversion des années 2015-2022 de 250000 ha bio en plus chaque année, porté par un marché avec une croissance annuelle supérieure à 10% et une PAC 2015 très incitative avec un système de financement pérenne (aide à la conversion puis aides au maintien). La France a déjà décroché de sa feuille de route 2027, dit la FNAB. L’essoufflement du marché depuis 2021, l’inflation, l’absence de politique de la demande (non atteinte des objectifs d’Egalim, absence de campagne de communication sur la Bio pendant 3 ans) et la focalisation des politiques de l’offre sur la transition uniquement ont conduit en 2022 au ralentissement de la dynamique de conversion avec 3 fois moins de surfaces bio en plus, que les années précédentes (75 000 hectares). Moins 66% de surfaces en plus en IDF sur la même période (GAB IdF). Il y incohérence entre l’effet souhaité à long terme et le résultat à court terme : financer 5 ans de conversion (1750 euros/ha) pour que s'ensuive une déconversion n'est pas rentable. D'autant que ces mêmes hectares seront à re-convertir éventuellement dans 5 ans, car ces agriculteurs garderont la fibre biologique : double peine économique. Un soutien au prix de vente (prix d'intervention à fixer) serait un investissement bien moins coûteux. Réguler les stocks bio éviterait de gaspiller l'argent public.
Pas de soutien à la consommation BIO
Méconnaissance du Bio pour les consommateurs, confusion des labels encouragée dans les magasins et par les pouvoirs publics, recul du bio au profit du local dans les rayons, entretien médiatique des idées reçues sur le prix et l’accessibilité aux produits bio… Une législation EGAlim non respectée. En Ile de France, la Région prend en charge 80% du coût de la certification Bio, a augmenté de 10 centimes sa contribution par repas pris par les lycéens (équivalent à 2.2M€ , elle a doublé l’aide – minime, 66000 euros en IDF - obtenue via le premier plan d’urgence. Preuve que c’est possible.