L’AB francilienne prouve qu’elle existe

Ce jeudi 20 juin, le GAB IdF offrait « la Bio sur un Plateau » à la presse : un événement organisé à l’Académie du Climat et motivé par la sortie de l’Observatoire 2024 de l’AB en Ile de France et par la stagnation historique de la production biologique régionale. 

Solde "positif" : 6 fermes, 500ha...

Au 31 décembre 2023, a détaillé Myriam RAFRAF, co-auteure de la publication, « l’Ile de France compte 667 fermes bio ou en conversion pour 38800 ha ». Entre 2022 et 2023, la dynamique d’installation et de conversions est divisée par 2. Les 38 nouvelles fermes sont pondérées par 32 arrêts. Résultat un solde positif de 6 fermes et 500 ha. C’est la première fois qu’on rencontre une situation de plateau, dans le suivi de l’évolution de l’agriculture biologique francilienne. 

Pourtant, à l’aval de la filière (la « vie d’après » du produit brut) décrit par Marie KULICHENSKI, seconde co-auteure, les 3641 opérateurs notifiés auprès de l’Agence Bio et les 4836 restaurants collectifs référencés par macantine.fr et soumis à la législation EGALIM, représentent un potentiel d’incorporation de bio local considérable. L’objectif de ce petit déjeuner était d’analyser les causes du coup de frein au développement des surfaces en AB dans la région et d’objectiver les leviers pour endiguer le phénomène. Clairement, la solution viendra de l’aval. 

Pourquoi ça rame ? 

Factuellement, le taux d’engagement en AB en Ile de France est de 5,7%, le taux de désengagement de 4,8%. Parmi les causes du ralentissement : la saturation du marché des grandes cultures. Parce qu’elles représentent, avec les prairies et les surfaces fourragères, 86% des surfaces en AB, elles sont la variable d’ajustement. L’arrivée massive sur le marché des surfaces céréalières converties entre 2016 et 2019, a coïncidé avec la crise covid, la crise de l’énergie et la baisse globale des dépenses alimentaires des ménages. Résultat « une grande partie des céréales bio ont dû être vendues au prix du conventionnel, explique Thomas LAFOUASSE. Alors qu’elles coûtent « plus cher à produire du fait d’un rendement est 2 à 3 fois inférieur » a complété Carine THIERRY. Des céréales bradées, déclassées en fourrager ou en conventionnel, ou stockées faute d’acheteurs d’une campagne sur l’autre : « A la récolte 2023, les silos étaient déjà pleins de la récolte de l'année précédente. », explique Carine THIERRY. Parmi les 32 arrêts déplorés en 2023, 8 concernent des fermes en grandes cultures, parmi lesquelles 3 décertifications

Diversifier, structurer pour durer ! 

Thomas LAFOUASSE travaille à la résilience de sa ferme depuis plusieurs années déjà : en plus des céréales, il fait du maraîchage, élève des moutons, transforme sa farine en pâtes. Carine THIERRY, elle, démarre avec son conjoint Simon THIERRY un élevage de porcs bio de plein air pour mieux valoriser les céréales produites sur leur ferme, dans un contexte de prix trop bas. Ils élèvent déjà des agneaux nourris exclusivement de productions de la ferme, ont un atelier de conditionnement de pommes de terre et proposent des chambres d’hôtes et une boutique de produits fermiers biologiques. Pour Thomas LAFOUASSE, les opérateurs doivent jouer le jeu en ré-achetant au juste prix dès maintenant. Le prix du Bio est à voir dans sa globalité en intégrant l’impact de nos pratiques sur la société, l’environnement, la santé. Le Vice-Président du GAB IdF a expliqué que le groupement travaille à la relance de la filière pain bio d’Ile de France. "C’est le chantier 2024 : les acteurs (paysans, meuniers, boulangers) sont identifiés, l’idée est de travailler à une planification pluriannuelle pour produire un pain BIO francilien et structurer une filière compétitive pour un essai transformé sur la récolte 2025". 

Réveiller l’aval !

« Avec 3641 opérateurs, l’Ile de France est la 2ème région (suite à un correctif de l’Agence Bio la semaine dernière) en nombre d’opérateurs de l’aval et Paris est le premier département », explique Marie KULICHENSKI. « Ces opérateurs notifiés auprès de l’Agence Bio représentent 2371 préparateurs, 2508 distributeurs, 211 importateurs et 34 restaurateurs ». A noter que ces opérateurs, composés pour moitié d’entreprises agroalimentaires et commerces de gros, ne travaillent pas nécessairement avec du bio local.

La réciproque est vraie, puisque globalement, les fermes bio franciliennes privilégient la vente directe : elle représente 40% des circuits de distribution des fermes : vente à la ferme, Amap et paniers, marchés, vente par correspondance. 

Ceci dit « 1/3 des fermes bio franciliennes (217) sont aussi opératrices de l’aval », note Marie KULICHENSKI, « notifiées auprès de l’Agence Bio pour une activité de transformation, préparation ou distribution de leurs produits ». 1/3 sont en maraichage et 1/3 en grandes cultures. 

Et pour être complet ou s’en approcher dans l’esquisse de ce portrait de l’aval, « il faut également mentionner, ajoute Marie KULICHENSKI, qu’un certain nombre d’acteurs n’ont pas nécessité, ni obligation de se notifier auprès de l’Agence Bio ». Parmi eux des restaurants commerciaux, mais aussi des acteurs de la restauration collective privée (Elior, Compass, Sodexo par exemple...) et publique (collectivités en gestion directe, crèches, Epadh, caisses des écoles etc.)

L’aubaine EGALIM

Ces acteurs représentent 4836 « cantines » et sont soumis à l’obligation de respecter la législation EGALIM. Comme le rappelait l’Agence Bio lors de sa traditionnelle conférence de presse la semaine dernière, la restauration hors domicile est l’un des principaux leviers de consommations de produits bio. L’obligation de respecter EGALIM pour l’ensemble des acteurs privés et publics depuis le 1er janvier 2024 est une aubaine pour le bio. Reste aux acteurs que nous sommes d’agir pour que ce bio soit local !

Carine THIERRY suggère « l’intégration de critères de pondération pour introduire la notion de local dans les achats bio des marchés publics. Nous sommes aux portes de Paris, nous avons la possibilité de fournir. » 

Le GAB IdF accompagne l’introduction de produits bio locaux en restauration collective depuis plus de 15 ans : appui à la rédaction de cahier des charges, aux changements de pratiques, sur l’approvisionnement... « Nous nous adressons à tous les acteurs », complète Arnaud VEYSSIERE, Responsable du pôle Alimentation du GAB IdF, chefs de cuisine, gestionnaire, agents, parents d’élèves, convives…, mais l’important est celui qui passe la commande : les acheteurs doivent connaître les filières pour commander bio francilien, c’est l’une de nos missions ». 

D’après le site ma-cantine, 68% des 4836 cantines ont pour l’instant renseigné leurs données d’achat. Les services publics sont forcément les bons élèves puisque l’obligation est bien plus récente pour les entreprises. Ce qui nous intéresse ici c’est que sur 1931 cantines ayant commencé un diagnostic pour 2023, 30% seulement ont atteint l’objectif d’approvisionnement EGALIM. Autrement dit la marge de progression est considérable.

« Faisons respecter la législation EGALIM et ajoutons à cela une campagne de vérité sur les bienfaits de l’agriculture biologique et la crise du Bio s’arrête », a lancé Thomas LAFOUASSE. 

Pour conclure, Céline SANTOS NUNES, Directrice Générale du GAB IdF a évoqué les collectivités motrices en Ile de France en matière d’introduction de bio local que sont la ville de Paris et la communauté d’agglomération de Grand Paris Sud que le GAB IdF accompagne sur des actions pour tous les publics y compris les plus précaires. « Les chiffres présentés sont factuels, ils sont le reflet d’une réalité au 31 décembre 2023, nos marges de progressions sont réelles, nous comptons sur vous pour passer le message ».

Fanny HEROS, responsable de la communication



Eau et AB : Prévenir plutôt que guérir

Myriam RAFRAF a tenu à souligner l’effet levier du soutien des agences de l’eau sur les Aires d’Alimentation de Captage (AAC). « 70% des surfaces en AB sont situées sur ces zones, 66% des fermes ». 

Les extensions successives des limites des zones des AAC permet certes d’inclure davantage de fermes et de surfaces, ce qui profite aux chiffres annoncés, mais également à davantage de fermes de bénéficier des aides mises en place par les agences de l’eau sur ces zones. 

Parmi les mesures récentes, on peut mentionner la MAEC (Mesure Agro Environnementale et Climatique) Eau BIO soutenue par l’Agence de l’Eau Seine Normandie et le PSE (Paiement pour Services Environnementaux) mis en place par Eau de Paris en Sud Seine et Marne. Des dispositifs sous conditions qui compensent, pour les fermes éligibles, une partie de l’aide au maintien disparue. 

Quand on sait que 30 % du coût de l’eau est lié à la dépollution et que « ce coût d’après la cour des comptes, est de 500 à 900 millions d’euros par an », comme le rappelait Thomas LAFOUASSE, « ça vaut le coup de soutenir les pratiques vertueuses ». «La BIO n’est pas prioritaire alors que toutes les études montrent son intérêt pour la biodiversité, le sol, l’air, l’eau, la santé », a-t’il ajouté… L’ITAB se faisait encore l’écho de ces aménités positives de la Bio, la semaine dernière (Voir ici).

Observatoire, Edition 2024

L’Observatoire Régional de l’AB francilienne est une publication annuelle réalisée grâce au soutien de la Région Ile de France et de l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Il est le fruit d’un conventionnement GAB IdF, Agence Bio, DRIAAF et une mine de données sur la BIO francilienne de l’amont à l’aval.


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