Simon et Carine THIERRY - Ferme de Chatenoy 

La ferme de Chatenoy est très belle ferme bio diversifiée en polyculture élevage qui s’étend sur 210 hectares au cœur du Parc naturel Régional du Gâtinais, sur une Aire d’Alimentation de Captage. 


Elle est le 5ème enfant de deux bâtisseurs, Simon et Carine Thierry, architectes paysagistes reconvertis dans l’agriculture. Ils produisent des céréales, des pommes de terre et de la viande d’agneaux vendus en circuits courts. Ils proposent depuis peu des chambres d’hôtes, projet dont ils rêvaient en arrivant à Chatenoy, lorsque la maison n'avait même pas encore de fenêtres. Ils cultivent l’héritage de la ferme familiale, dans le respect du passé, le goût du présent et l’anticipation sereine de l’avenir. 

Peux-tu nous raconter la reprise de la ferme par Carine et toi ? 

On s’est connus étudiants à l’école du Paysage de Versailles. On s’est installés à Chatenoy en 1997, tout en exerçant à Paris. Les bâtiments étaient restés inhabités pendant près de 40 ans, il n’y avait pas d’eau, pas d’électricité, ni de fenêtres. Mon père avait une entreprise de maçonnerie. On a fait beaucoup de travaux pour la maison. Il s’est passé 9 ans avant qu’on ne reprenne la ferme. Mon oncle approchait de la retraite. J’aimais beaucoup le métier de paysagiste, mais répondre aux marchés publics n’était pas toujours simple. L’agriculture m’a tenté. Je me suis formé en polyculture élevage à Brie Comte Robert et je me suis lancé en 2006. En conventionnel au départ, car je n’étais pas du métier. Mon oncle a gardé une partie des terres, un cousin de mon père une autre et j’ai repris 90ha. On faisait du blé, de l’orge et de la betterave. 

Comment vient la conversion en Bio ? 

L’élevage a été le point de départ de l’équilibre agronomique en Bio (luzernes, rotations longues, prairies permanentes). En 2007, j’ai commencé à produire des pommes de terre. Les acheteurs fixaient le prix, les produits partaient en Espagne, on n’avait aucun contrôle sur les ventes. En 2009, on a vendu à perte. Ca m’a aidé à basculer toute la ferme vers la bio. La maîtrise de nos ventes sur les marchés locaux avec la pomme de terre a été très structurante pour notre activité. De 90ha, je suis passé à 140ha. J’ai d’abord converti 40ha de luzerne et fourrage. J’ai introduit les animaux. Je trouvais l’élevage très complémentaire des cultures et pratique pour la répartition du travail été/hiver. On est passés de 20 à 150 brebis aujourd’hui. Assez vite j’ai eu un salarié à temps plein sur l’exploitation. La conversion s’est faite très facilement. Je montais sur le « pulvé » avec de plus en plus de mal. En convertissant, j’avais le sentiment d’aller dans le bon sens. J’y suis allé progressivement, parce que je me suis beaucoup endetté au départ. Reprendre le matériel, les travaux dans les bâtiments, ce sont de gros investissements. Le cousin de mon père est parti à la retraite en avril 2022, on a repris 60ha de plus. Aujourd’hui, on a 150 brebis et 200ha en bio. Je suis très content. C’est du boulot, mais on ne fait pas ce métier pour se tourner les pouces. On est parvenu à maîtriser les ventes, donner du sens à ce qu’on fait et on est en contact avec ceux qui consomment nos produits. L’impact écologique, environnemental de nos pratiques est très positif : la perdrix grise, les lièvres en abondance dans les luzernes, les passereaux, les insectes et les vers de terre sont de retour sur nos parcelles. Un suivi est en cours sur les vers de terre et les rapaces nocturnes (chevêche, chouette effraie) en partenariat avec le Museum d’Histoire Naturelle et le PNR du Gâtinais Français. C’est une joie immense de permettre le retour de ces espèces dans leur milieu. 

Vous avez avec Carine été très impliqués dans la création de Ferme Bio devenue la Coopérative Bio d’Ile de France

En bio, on valorisait le blé au double du conventionnel, mais ça n’était pas très attractif. Ferme Bio allait vraiment dans le sens de ce qu’on voulait faire : valoriser les productions en circuits courts en assurant une marge à l’hectare. Il y avait un bassin de consommation énorme, démarcher collectivement les cantines et les magasins spécialisés prenait tout son sens. Ces premiers pas ont été passionnants. Aujourd’hui encore, 70% des pommes de terre (160 tonnes) sont commercialisées par la Coopérative Bio Ile de France. Quels sont les autres débouchés Le reste des pommes de terre part dans les magasins à 30 à 40 kms de la ferme. On livre aussi un grossiste à Rungis où on fait de l’achat revente pour la boutique. Les céréales partent à Terre Bocage Gatinais. Aujourd’hui on a un silo dédié, ils ont investi sur le tri des céréales aussi. Ils jouent le jeu sur le bio. L’agneau est vendu ici à la boutique en fin de semaine et pour moitié à des bouchers et magasins spécialisés. On n’a jamais eu de problème de vente de nos produits. Il faut dire que Carine s’en occupe beaucoup. 

Au niveau financier, les chambres d’hôtes apportent elles un peu d’indépendance ? 

On a fait beaucoup de travaux pour les chambres d’hôtes, donc c’est plus la ferme qui permet d’équilibrer. On aurait pu mettre des roulottes, mais on fait un choix de beaux matériaux et de penser sur le long terme. Quand on a acheté ici il y a 15 ans, on imaginait quelques chambres, une petite boutique pour accueillir les hôtes avec quelques produits locaux. Finalement, on est ouverts le vendredi après-midi et le samedi matin et plus on propose de produits plus les clients sont contents. L’activité chambre d’hôtes est complémentaire de la boutique et de l’accueil de groupes. On est très heureux de le faire. Ca fait connaître le lieu, on rencontre des gens intéressants. Ca permet aussi de valoriser ces bâtiments. On est contents d’avoir refait la toiture. Le bâtiment repart pour 30 ou 50 ans. On fait notre part. La rentabilité directe est difficile à obtenir. 

Pour la suite justement, comment est-ce que vous l’envisagez ? 

On a projet d’association avec un cousin de ma génération qui a une activité de conseil sur Paris et souhaite se mettre au vert. Il trouve que la ferme a beaucoup de sens. Il va prendre des parts dans la société cette année. Il nous donne un regard extérieur. Il peut nous soulager quelques weekends et dans le même temps, nous préparer à céder. On a 50 ans et dans 10, 15 ans, il va falloir passer la main. S’associer avec ce cousin est une façon de rendre la ferme transmissible à n’importe quel tiers extérieur. Ca fait plus d’1,5 an qu’il vient 6 jours par mois. Il comprend l’esprit d’entreprise. On est partis une semaine en vacances, les chambres d’hôtes n’ont pas cessé de tourner. C’est important pour nous de partir l’esprit tranquille. Et puis si d’ici 3 ou 6 ans, si on trouve un associé qui veut prendre 20 ou 30% on sera prêts. La personne peut se tester sur 3 ou 4 ans… C’est une démarche intéressante de préparer la sortie. Qu’en pensent les enfants ? Ils savent tous comment ça marche. Ils ont tous donné des coups de main, mais ils ne sont pas du tout intéressés pour reprendre pour l’instant. L’un est ingénieur, l’autre dans le sport, une aux arts déco et la dernière plutôt dans le journalisme. On en a parlé un peu avec les plus grands. Comme on est propriétaires des murs ici, ils pourraient être partie prenantes dans l’exploitation comme gestionnaires du lieu, du foncier, des hangars, de la bergerie. Avoir un loyer et donner leur avis sur les orientations. On peut distinguer le foncier de l’exploitation. Après, même si je suis la 6ème génération sur la ferme, il ne faut pas non plus s’obliger parce que c’est un héritage familial. Il faut que les enfants s’épanouissent avant tout. Ca a fonctionné pour nous parce que ça nous plaisait de le faire. Je crois que ce qui compte vraiment, c’est faire ce qu’on aime, c’est là qu’on trouve l’énergie. Propos recueillis par Fanny Héros, responsable de la communication. Entretien réalisé grâce au soutien de l'Agence de l'Eau Seine Normandie.

Propos recueillis par Fanny HEROS, responsable communication


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